napomo 2021
- Pascal e
- 30 avr. 2021
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 juil.
1.
je me trouverai un abri
en U vers le haut
qui regarde les étoiles
qui récolte la pluie
pour se baigner
même la nuit
j'irai là quand tu regardes pas
je ferai des fresques infinies sur les murs en rond
l'histoire des cycles que tu ne comprends pas
et quand je reviendrai près de toi
je te les conterai tout bas
assoupi, tu m'écoutes
j'aime ça.
2.
j’avalerai l’ouragan
pour faire semblant
qu’il est passé
les hortensias chez maman
partent au vent en-d’dans.
j’voudrais réparer
tes cabanes à oiseaux
j’aimerais
que ça sente les lilas
pour toi aussi
ferme les yeux
s’il-te-plaît
ferme les yeux.
3.
pascale capable
soulève l’échelle
pète presque rien
ballote juste un peu
existe au complet
rigole en même temps
pascale capable
passe à un autre appel
demande-moi pas
aux quinze secondes
si chu correcte
je vais pas casser en deux
en bougeant
une poche de terre
pascanac
pas d’craques
toute beau
toute prop
presque pas d’marques
tu me dérangeras
quand tu sauras comment le faire
en attendant
pascale capable.
4.
tu oublies déjà
toute la douceur avec laquelle
on peut être amis
on vit dans deux vaisseaux
de la Terre à nos rêveries d’enfants
tellement différents
tellement côtes à côtes
j’aimerais que tu me racontes
comment ça se passe
que tu me décrives la vue
que tu
sois doux
ici
il fait chaud
je vois la mer noire
et la muraille de Chine
les étoiles se mêlent aux oiseaux
une drôle de chaises musicales
ici
tu cognerais ta tête
c’est tout microbe
tout petit petit
mais j’te l’dis
t’es toujours
toujours
toujours
toujours
toujours
toujours
toujours
toujours
le bienvenu.
et tu l’seras encore longtemps.
5.
mes amis veulent se pendre
leurs cordes font des boucles
ils s'attachent autour de moi
font leurs noeuds tranquillement
des gestes mécaniques
on les voit plus.
mes amis veulent se noyer
en marchant le long de la st-françois
on a découvert un nouveau sentier
pour se perdre
la bouette plein nos histoires
le printemps qui nous fond
dans les yeux
on a esquivé la mort
encore.
mes amis veulent mourir
ils regardent pas
en traversant la rue
un vélo, un char, un bus
ils disent
"prends-moi vivant
maintenant
fais qu'on m'oublie vite"
j'ai trop d'espoir pour eux.
mes amis veulent mourir et moi
je veux vivre avec eux.
j'aimerais qu'ils me voient jamais
chercher des réponses
le tête brouillée de leurs brumes
tes petits doigts anxieux qui cherchent
sur quoi te raccrocher
tiens-toi bien
s'il-te-plaît.
7. (en rattrapage)
une fois
une amie m'a dit
que quand on se force
mais qu'on a pu d'jus
on puise dans une tinque à gaz limitée
dans les reins
j'connais pas la science derrière
mais mon papa veut toujours
sauver la situation
et il a beaucoup mal
au bas du dos
écrire un poème par jour
hier
a feelé comme tirer du jus
de ma tinque à reins créative
8.
(k moi too.)
tu m’demandes où j’trouve mon jus
j’le trouve
dans mon linge sale
dans l’tiroir d’en bas
dans la chambre à air
dans mon jus d’pomme
dans mon ventre
dans les flaques d’huile
dans le frigo
à côté
l’autre à côté
l’aut’ gauche
pis l’aut’ droite aussi
dans l’eau
« dans boîtagants »
entre ses dents
en arrière du monsieur
sur internet
t’sais la page, là
avec les jeux flash
je l’sais tu, moi, où j’trouve ça
dans ma tête
10.
mes mains
enfin noircies
me font sentir
que j’arrive
la patience pognée
d’ins ongles
un semi de tomates
pointe son nez
électrisant
j’arrive.
9.
j’ai vu tantôt
entre deux sacs de terreau
ton papa
qui te dit de pas scraper tes jeans
en jouant avec les outils
vous magasiniez à la quincaillerie
sortie de grands
il avait besoin « d’une coupe de deux par quat’ »
et de compost
pour te faire un p’tit bac de jardin dans cour
t’as 11 ans
tu veux tout comprendre
comment le « boat serre la visse »
comme dit papa
comment on fait ça
un bac de jardin
pis une cabane à oiseaux
pis tu voudrais poser
tes propres tablettes
quand tu vas être grande
j’me suis rappelée
de toi
dans l’centre jardin
j’vous ai suggéré le fumier de poules
vous m’avez salué e en partant
j’te souhaite de tout savoir
pis de te construire
un phare
quand tu vas être grande.
11.
chaque jour
dessiner une plante
j’ai dit
« regarde les plantes pousser »
leurs silhouettes
des teintes de vert
plus que j’ai de pastels
lundi
la pothos
le trait de sa tige
s’étire un peu plus encore sur la feuille
qu’il y a sept jours
des sirènes dehors
l’univers crisse sur l’asphalte
fait des tonneaux
et la coleus
a de nouvelles
toutes petites feuilles roses
elle regarde par la fenêtre
reçoit rien que les maigres rayons du nord
je la regarde pousser
de toutes mes forces
12.
une vieille femme dort
se tenant la tête ensanglantée
d’une petite main
de salle d’attente
un groupe de parleux
se plaignent des ceuses
qui respectent pas les mesures
l’autre se ronge les ongles
en jouant à candy crush
moi j’dessine la dame qui dort
au bandage enrubanné
le miracle humain
cherche plus
c’est ici
13.
souvent j'rêve aux autres
les inatteignables
les beaux
les grands
les géants de ma vie
les obsessions habituelles
on marche main dans la main
on est fulgurants
on est amoureux
on a l'habitude
on passe partout
je me réveille attendri e et songeus e
cette nuit
j'ai rêvé à toi
ouin
tu m'as engueulé e
parce que j'avais pas lavé
les cabarets
comme il faut.
reviens-en
des cabarets.
je ne veux pas
que mourir
devienne criminel
je ne parlerai pas
des rois
et des dieux
ils ne m’écouteront pas
de toute manière
je ne cherche plus
je marche tranquillement
les vitrines craquées
des entreprises locales
je ne lis pas les journaux
les poubelles brûlent
je mange du plastique
au bord de la rivière
et j’écoute les canards
je ne veux pas
que mourir
devienne
criminel
parce que mourir
prend toutes ses couleurs
quand le reste
sent
les poubelles
et le feu
mourir aujourd’hui
c’est le silence du ciel
qui s’étonne à nous voir
sans cesse nous perdre
mourir aujourd’hui
c’est voir le promoteur
couper nos collines
et ne rien dire
je reste là
et je ne bouge plus.
souvent
c'est ironique
mais ça pousse en mauvaises herbes
une affiche sur belvédère
un projet de développement sur la well
un condo
arrivé tout fait pendant la nuit
on ne sait quand
d'on ne sait où
habituellement
je ne le vois pas
mais cette fois-là
je l'ai vu
en pleine action
il était là
sur la terre
près de chez mon père
qui me fait rêver
d'être une vache
depuis que je suis enfant
il était là
avec ses plans de géant
ses grandes idées
son veston à rallonge
un personnage mythique
qu'on ne voit que dans les livres
près des gnomes
et des farfadets
le promoteur
j'ai pas tout de suite su
quoi faire
on n'est jamais préparé
à voir un fantôme
je me suis postée
derrière un arbre
et je l'ai toisé
lui et ses suivant.e.s
un petit essaim
le vent me rapportait leurs grands mots
de gens à vestons
à rallonge
ils parlent
de prestige
d'idéal
de
nouveaux
horizons
je pouvais pas
le laisser couper
nos collines
pour voir plus loin
pas celles-là
pas aujourd'hui
aujourd'hui
les vallées
servaient de hamac
à mon regard fatigué
et j'en avais besoin
je n'avais pas de temps à perdre
une apparition si rare
ne dure jamais bien longtemps
il me fallait faire quelque chose
et vite
on ne m'avait pas remarquée
et sa mercedez était à seulement
quelques pas
il l'avait laissée débarrée
parce qu'où vont les promoteurs
est chez eux
c'est ce que j'ai lu
je suis entrée
sur la banquette arrière
mon coeur en guerre
à faire péter ses vitres teintées
restée discrète
et j'ai attendu
j'ai entendu leur bourdonnement distingué
qui s'est rapproché
leurs talons hauts
leurs cuirs d'italie
s'enfonçait dans la terre molle
c'était bien lui
au devant de sa p'tite nuée
il a ouvert grand la portière
dit ses dernières salutations
distinguées, toujours
et s'est engouffré dans la voiture
par principe
je ne lui ai pas donné le temps
de tourner la clé dans le contact
j'ai utilisé la vieille chemise de peinture
de mon père
j'ai été surprise
par la faillibilité
d'un être si luxueux
quelques secondes
et une agitation vague des bras
comme les pattes d'un cafard
plus un bruit
le silence de la campagne est revenu
la mauvaise herbe
de toutes les couleurs
n'a jamais si bien poussé
c'est à en croire
que la terre est plus riche
qu'elle ne l'était
*extrait de mon futur roman à succès intitulé "j'ai tué le promoteur"
17.
quand j’étais petite
j’aimais remplir
les formulaires
comme des examens
où je connaissais
toutes les réponses
et sinon
y a papamaman à côté
pour tricher
j’attends au bord du téléphone
en speaker phone
depuis une heure
assise s’a bol
ambiance ascenseur à mille étages
les fourmis d’in jambes
à en oublier la question
envie de ne plus faire partie
envie de dire game over
le jeu
est même pas l’fun
anyway
j’trouve pas de serviette
pour la jeter
et je pense à cette p’tite moi
qui connaissait les réponses
je déserterais
n’importe quand
cette jungle
de papiers
à signer
j’aimerais
retrouver
là où
au lieu
d’un coup d’téléphone
c’est
un coup d’main
là où
on peut vraiment disparaître
pour vrai
là où
on a l’droit d’oublier
son numéro d’assurance sociale
les câbles de téléphone
pètent
comme les écrins trop tight
d’un archet
à même
mon incendie crânien
et je saurai la réponse une autre fois
18.
à la fin du jour
le nid
de mousse
les doigts
les cheveux
qui plient
doucement
la lumière fumée
l’embrasure
le front posé
tout est mou
enfin
silence
19. (rattrapage)
je suis échogène
c’est ce que des apprenti-échographes
penchés sur un petit écran en noir et blanc
m’ont dit l’autre jour
(je travaillais comme patient e standardisé e, je suis pas enceinte, merci)
je suis échogène
ça veut dire
que sur l’écran de mon échographie
on voit l’océan
les remous les dauphins l’orage qui
valsent
avec mes poumons
de mon foie poussent
fondent et réapparaissent
encore et encore
des arbres noirs
mon cœur
est une petite planète difforme
et fleurie
mon ventre est fait
de paysages à
couper mon souffle
...
...
« ok tu peux respirer »
le voilà
le diaphragme
mon utérus
le tout petit monstre
dans ma jaquette bleu ciel
beurrée jusqu’au dos
de gelée bleu nuit
petit murmur médical
mes yeux se baignent
c’est émouvant, la mer
je voudrais leur dire, leur montrer
mais en médecine
on n’apprend pas
à guérir l’océan
20.
reste un peu
le temps des crêpes
ou juste que
le soleil se balade un peu
sans nous
juste un peu encore
que le matin s'épuise
sous les draps
gaspille ta journée
avec moi
21.
j’ai réalisé
que je pense
à mes plantes
avant
de penser à toi
le matin
.
.
.
(victoire)
24.
je lui ai fait l'amour
comme on part
une tondeuse
j'aime pourtant
le gazon comme
mes poils
long et sauvage.
25.
j’aime les gens
qui marchent
près de la rivière
ceux qui traversent la rue
un soulier détaché
j’aime les gens
qui chantent
tous seuls
ceux qui baissent les yeux
ceux qui courent en shorts
j’aime les gens
qui écoutent des podcasts
et les gens qui n’aiment rien
j’aime les gens qui hésitent
qui oublient de quoi ils parlaient
j’aime les gens essoufflés
parce qu’ils parlent trop
et ceux qui se justifient
j’aime ceux qui se coupent la parole
et s’excusent
ceux qui se retiennent de parler
ceux qui ne savent plus quoi dire
et ceux qui se contredisent
sans s’en rendre compte
j’aime les gens
qui rient tous seuls
j’aime ceux qui cherchent quoi faire avec leurs mains
qui ne savent pas où s’accrocher
quand on ne dit plus rien
j’aime les silences
juste un peu trop long
quand mon cœur bat si fort
m’implore
de trouver une banalité
un meuble de mots
ou quand c’est les oiseaux
qui prennent la relève
j’aime les gens
qui fument et qui pleurent
quand les oiseaux se taisent
combien je vous aime...
26.
j’ai
pas pensé
aux conséquences
on
pense toujours
trop à elles
et elles pas à nous
j’me suis couché e sur le sol
plaquéventré e qu’on m’immole
je suis désolé e
j’ai voulu sauver
la face de la lune
elle m’a dit je t’aime
vas donc te coucher
si
tu entends
le jour
viens
qu’on lui joue
un tour
toutes seules on peut briller
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