napomo 2021 (Mois national de la poésie)
Écrire un poème par jour pendant le mois d'avril
1.
je me trouverai un abri
en U vers le haut
qui regarde les étoiles
qui récolte la pluie
pour se baigner
même la nuit
j'irai là quand tu regardes pas
je ferai des fresques infinies sur les murs en rond
l'histoire des cycles que tu ne comprends pas
et quand je reviendrai près de toi
je te les conterai tout bas
assoupi, tu m'écoutes
j'aime ça.
2.
j’avalerai l’ouragan
pour faire semblant
qu’il est passé
les hortensias chez maman
partent au vent en-d’dans.
j’voudrais réparer
tes cabanes à oiseaux
j’aimerais
que ça sente les lilas
pour toi aussi
ferme les yeux
s’il-te-plaît
ferme les yeux.
3.
pascale capable
soulève l’échelle
pète presque rien
ballote juste un peu
existe au complet
rigole en même temps
pascale capable
passe à un autre appel
demande-moi pas
aux quinze secondes
si chu correcte
je vais pas casser en deux
en bougeant
une poche de terre
pascanac
pas d’craques
toute beau
toute prop
presque pas d’marques
tu me dérangeras
quand tu sauras comment le faire
en attendant
pascale capable.
4.
tu oublies déjà
toute la douceur avec laquelle
on peut être amis
on vit dans deux vaisseaux
de la Terre à nos rêveries d’enfants
tellement différents
tellement côtes à côtes
j’aimerais que tu me racontes
comment ça se passe
que tu me décrives la vue
que tu
sois doux
ici
il fait chaud
je vois la mer noire
et la muraille de Chine
les étoiles se mêlent aux oiseaux
une drôle de chaises musicales
ici
tu cognerais ta tête
c’est tout microbe
tout petit petit
mais j’te l’dis
t’es toujours
toujours
toujours
toujours
toujours
toujours
toujours
toujours
le bienvenu.
et tu l’seras encore longtemps.
5.
mes amis veulent se pendre
leurs cordes font des boucles
ils s'attachent autour de moi
font leurs noeuds tranquillement
des gestes mécaniques
on les voit plus.
mes amis veulent se noyer
en marchant le long de la st-françois
on a découvert un nouveau sentier
pour se perdre
la bouette plein nos histoires
le printemps qui nous fond
dans les yeux
on a esquivé la mort
encore.
mes amis veulent mourir
ils regardent pas
en traversant la rue
un vélo, un char, un bus
ils disent
"prends-moi vivant
maintenant
fais qu'on m'oublie vite"
j'ai trop d'espoir pour eux.
mes amis veulent mourir et moi
je veux vivre avec eux.
j'aimerais qu'ils me voient jamais
chercher des réponses
le tête brouillée de leurs brumes
tes petits doigts anxieux qui cherchent
sur quoi te raccrocher
tiens-toi bien
s'il-te-plaît.
7. (en rattrapage)
une fois
une amie m'a dit
que quand on se force
mais qu'on a pu d'jus
on puise dans une tinque à gaz limitée
dans les reins
j'connais pas la science derrière
mais mon papa veut toujours
sauver la situation
et il a beaucoup mal
au bas du dos
écrire un poème par jour
hier
a feelé comme tirer du jus
de ma tinque à reins créative
8.
(k moi too.)
tu m’demandes où j’trouve mon jus
j’le trouve
dans mon linge sale
dans l’tiroir d’en bas
dans la chambre à air
dans mon jus d’pomme
dans mon ventre
dans les flaques d’huile
dans le frigo
à côté
l’autre à côté
l’aut’ gauche
pis l’aut’ droite aussi
dans l’eau
« dans boîtagants »
entre ses dents
en arrière du monsieur
sur internet
t’sais la page, là
avec les jeux flash
je l’sais tu, moi, où j’trouve ça
dans ma tête
10.
mes mains
enfin noircies
me font sentir
que j’arrive
la patience pognée
d’ins ongles
un semi de tomates
pointe son nez
électrisant
j’arrive.
9.
j’ai vu tantôt
entre deux sacs de terreau
ton papa
qui te dit de pas scraper tes jeans
en jouant avec les outils
vous magasiniez à la quincaillerie
sortie de grands
il avait besoin « d’une coupe de deux par quat’ »
et de compost
pour te faire un p’tit bac de jardin dans cour
t’as 11 ans
tu veux tout comprendre
comment le « boat serre la visse »
comme dit papa
comment on fait ça
un bac de jardin
pis une cabane à oiseaux
pis tu voudrais poser
tes propres tablettes
quand tu vas être grande
j’me suis rappelée
de toi
dans l’centre jardin
j’vous ai suggéré le fumier de poules
vous m’avez salué e en partant
j’te souhaite de tout savoir
pis de te construire
un phare
quand tu vas être grande.
11.
chaque jour
dessiner une plante
j’ai dit
« regarde les plantes pousser »
leurs silhouettes
des teintes de vert
plus que j’ai de pastels
lundi
la pothos
le trait de sa tige
s’étire un peu plus encore sur la feuille
qu’il y a sept jours
des sirènes dehors
l’univers crisse sur l’asphalte
fait des tonneaux
et la coleus
a de nouvelles
toutes petites feuilles roses
elle regarde par la fenêtre
reçoit rien que les maigres rayons du nord
je la regarde pousser
de toutes mes forces
12.
une vieille femme dort
se tenant la tête ensanglantée
d’une petite main
de salle d’attente
un groupe de parleux
se plaignent des ceuses
qui respectent pas les mesures
l’autre se ronge les ongles
en jouant à candy crush
moi j’dessine la dame qui dort
au bandage enrubanné
le miracle humain
cherche plus
c’est ici
13.
souvent j'rêve aux autres
les inatteignables
les beaux
les grands
les géants de ma vie
les obsessions habituelles
on marche main dans la main
on est fulgurants
on est amoureux
on a l'habitude
on passe partout
je me réveille attendri e et songeus e
cette nuit
j'ai rêvé à toi
ouin
tu m'as engueulé e
parce que j'avais pas lavé
les cabarets
comme il faut.
reviens-en
des cabarets.
je ne veux pas
que mourir
devienne criminel
je ne parlerai pas
des rois
et des dieux
ils ne m’écouteront pas
de toute manière
je ne cherche plus
je marche tranquillement
les vitrines craquées
des entreprises locales
je ne lis pas les journaux
les poubelles brûlent
je mange du plastique
au bord de la rivière
et j’écoute les canards
je ne veux pas
que mourir
devienne
criminel
parce que mourir
prend toutes ses couleurs
quand le reste
sent
les poubelles
et le feu
mourir aujourd’hui
c’est le silence du ciel
qui s’étonne à nous voir
sans cesse nous perdre
mourir aujourd’hui
c’est voir le promoteur
couper nos collines
et ne rien dire
je reste là
et je ne bouge plus.
souvent
c'est ironique
mais ça pousse en mauvaises herbes
une affiche sur belvédère
un projet de développement sur la well
un condo
arrivé tout fait pendant la nuit
on ne sait quand
d'on ne sait où
habituellement
je ne le vois pas
mais cette fois-là
je l'ai vu
en pleine action
il était là
sur la terre
près de chez mon père
qui me fait rêver
d'être une vache
depuis que je suis enfant
il était là
avec ses plans de géant
ses grandes idées
son veston à rallonge
un personnage mythique
qu'on ne voit que dans les livres
près des gnomes
et des farfadets
le promoteur
j'ai pas tout de suite su
quoi faire
on n'est jamais préparé
à voir un fantôme
je me suis postée
derrière un arbre
et je l'ai toisé
lui et ses suivant.e.s
un petit essaim
le vent me rapportait leurs grands mots
de gens à vestons
à rallonge
ils parlent
de prestige
d'idéal
de
nouveaux
horizons
je pouvais pas
le laisser couper
nos collines
pour voir plus loin
pas celles-là
pas aujourd'hui
aujourd'hui
les vallées
servaient de hamac
à mon regard fatigué
et j'en avais besoin
je n'avais pas de temps à perdre
une apparition si rare
ne dure jamais bien longtemps
il me fallait faire quelque chose
et vite
on ne m'avait pas remarquée
et sa mercedez était à seulement
quelques pas
il l'avait laissée débarrée
parce qu'où vont les promoteurs
est chez eux
c'est ce que j'ai lu
je suis entrée
sur la banquette arrière
mon coeur en guerre
à faire péter ses vitres teintées
restée discrète
et j'ai attendu
j'ai entendu leur bourdonnement distingué
qui s'est rapproché
leurs talons hauts
leurs cuirs d'italie
s'enfonçait dans la terre molle
c'était bien lui
au devant de sa p'tite nuée
il a ouvert grand la portière
dit ses dernières salutations
distinguées, toujours
et s'est engouffré dans la voiture
par principe
je ne lui ai pas donné le temps
de tourner la clé dans le contact
j'ai utilisé la vieille chemise de peinture
de mon père
j'ai été surprise
par la faillibilité
d'un être si luxueux
quelques secondes
et une agitation vague des bras
comme les pattes d'un cafard
plus un bruit
le silence de la campagne est revenu
la mauvaise herbe
de toutes les couleurs
n'a jamais si bien poussé
c'est à en croire
que la terre est plus riche
qu'elle ne l'était
*extrait de mon futur roman à succès intitulé "j'ai tué le promoteur"
17.
quand j’étais petite
j’aimais remplir
les formulaires
comme des examens
où je connaissais
toutes les réponses
et sinon
y a papamaman à côté
pour tricher
j’attends au bord du téléphone
en speaker phone
depuis une heure
assise s’a bol
ambiance ascenseur à mille étages
les fourmis d’in jambes
à en oublier la question
envie de ne plus faire partie
envie de dire game over
le jeu
est même pas l’fun
anyway
j’trouve pas de serviette
pour la jeter
et je pense à cette p’tite moi
qui connaissait les réponses
je déserterais
n’importe quand
cette jungle
de papiers
à signer
j’aimerais
retrouver
là où
au lieu
d’un coup d’téléphone
c’est
un coup d’main
là où
on peut vraiment disparaître
pour vrai
là où
on a l’droit d’oublier
son numéro d’assurance sociale
les câbles de téléphone
pètent
comme les écrins trop tight
d’un archet
à même
mon incendie crânien
et je saurai la réponse une autre fois
18.
à la fin du jour
le nid
de mousse
les doigts
les cheveux
qui plient
doucement
la lumière fumée
l’embrasure
le front posé
tout est mou
enfin
silence
19. (rattrapage)
je suis échogène
c’est ce que des apprenti-échographes
penchés sur un petit écran en noir et blanc
m’ont dit l’autre jour
(je travaillais comme patient e standardisé e, je suis pas enceinte, merci)
je suis échogène
ça veut dire
que sur l’écran de mon échographie
on voit l’océan
les remous les dauphins l’orage qui
valsent
avec mes poumons
de mon foie poussent
fondent et réapparaissent
encore et encore
des arbres noirs
mon cœur
est une petite planète difforme
et fleurie
mon ventre est fait
de paysages à
couper mon souffle
...
...
« ok tu peux respirer »
le voilà
le diaphragme
mon utérus
le tout petit monstre
dans ma jaquette bleu ciel
beurrée jusqu’au dos
de gelée bleu nuit
petit murmur médical
mes yeux se baignent
c’est émouvant, la mer
je voudrais leur dire, leur montrer
mais en médecine
on n’apprend pas
à guérir l’océan
20.
reste un peu
le temps des crêpes
ou juste que
le soleil se balade un peu
sans nous
juste un peu encore
que le matin s'épuise
sous les draps
gaspille ta journée
avec moi
21.
j’ai réalisé
que je pense
à mes plantes
avant
de penser à toi
le matin
.
.
.
(victoire)
24.
je lui ai fait l'amour
comme on part
une tondeuse
j'aime pourtant
le gazon comme
mes poils
long et sauvage.
25.
j’aime les gens
qui marchent
près de la rivière
ceux qui traversent la rue
un soulier détaché
j’aime les gens
qui chantent
tous seuls
ceux qui baissent les yeux
ceux qui courent en shorts
j’aime les gens
qui écoutent des podcasts
et les gens qui n’aiment rien
j’aime les gens qui hésitent
qui oublient de quoi ils parlaient
j’aime les gens essoufflés
parce qu’ils parlent trop
et ceux qui se justifient
j’aime ceux qui se coupent la parole
et s’excusent
ceux qui se retiennent de parler
ceux qui ne savent plus quoi dire
et ceux qui se contredisent
sans s’en rendre compte
j’aime les gens
qui rient tous seuls
j’aime ceux qui cherchent quoi faire avec leurs mains
qui ne savent pas où s’accrocher
quand on ne dit plus rien
j’aime les silences
juste un peu trop long
quand mon cœur bat si fort
m’implore
de trouver une banalité
un meuble de mots
ou quand c’est les oiseaux
qui prennent la relève
j’aime les gens
qui fument et qui pleurent
quand les oiseaux se taisent
combien je vous aime...
26.
j’ai
pas pensé
aux conséquences
on
pense toujours
trop à elles
et elles pas à nous
j’me suis couché e sur le sol
plaquéventré e qu’on m’immole
je suis désolé e
j’ai voulu sauver
la face de la lune
elle m’a dit je t’aime
vas donc te coucher
si
tu entends
le jour
viens
qu’on lui joue
un tour
toutes seules on peut briller
napomo 2020 (Mois national de la poésie)
Écrire un poème par jour pendant le mois d'avril
à défaut
des piqûres d’abeilles
d’Égyptienne
mes nuits
sont des insomnies
de Caïman de Canard de Chatte
j’ai une invitée
d’une autre civilisation
dans les muscles et les jointures
je suis l’esclave
de ses désirs reptiles
et je veux dormir
un jardin dans la tête
il neige ce matin
mon édredon est tout blanc
un jardin tellement creux
dans les poumons
un jardin de poules et de solitude
un jardin de feux de foyer
mes rêvasseries sont tellement juste en train
de faire pourrir les semis.
brasser la neige
et le hummus
faire de très, très beaux gâteaux
baba moi
je sais faire ça
faire mon salon
dans tes craques
on va dire le divan
c’est la grosse racine
baba moi
je sais faire ça
tirer la chasse
à la perdrix
les feuilles mortes
c'est par ici
baba moi
j’ai tout appris ça
maintenant baba
c’est à toi
jouer tout seule
c’est comme pas jouer du tout
tu dois faire une bonne amie
c’est toi qui a inventé l’ennui
à quoi servent les fenêtres ?
tu manges
tu joues les fontaines
tu vas bien aller
t’as trouvé
une couleur qui te va bien
et tu la portes
même pas
c’est pourtant
à ça
que servent les fenêtres
je te jure
que les arbres
mangent pas les humains
une dernière fois
je te l’offre
je vais prendre une marche
viens-tu avec moi ?
par ici
l’espace des fougères
une main d’eau
de la fumée
j’ai pas vu la nuit tomber
je fixais des légumes
et démêlais la laine rouge
je me suis fait au crochet
un bouquet de fleurs séchées
et des mitaines pour les tenir
j’attends un appel
à la tombée du jour
j’attends toujours un appel
dans le silence
je trouve des personnages
dans les replis de ma peau
ils ne sont pas d’accord
avec moi
sur grand-chose
je vais devoir leur apprendre
l’art d’être compliqués
j’ai passé la journée
à démêler la laine rouge
nue dans le salon
le temps se démêle
fait des tourbillons soignés
comme le ruisseau, regarde
et puis l'herbe à la lune
sèche, je crois
comme mon bouquet de pommes
qu'on mangera à ton retour
dis, tu reviens quand
j'ai presque fini mon tricot
faudrait pas que tu manques ça
y a une guerre
dans mon ventre.
voilà
je vous l'annonce comme ça.
j'aurais cherché de meilleurs mots
des mots plus doux, peut-être
mais il faut ce qu'il faut
en temps de guerre.
y a une guerre là
je croyais qu'elle était née
à la chute d'un obus
que j'ai entendu tomber l'été dernier.
il n'en est rien.
mon ventre porte la guerre
depuis bien longtemps.
mon ventre porte la guerre
que portait celui de mon père.
et celui de son père
portait celle d'un lointain ailleurs
que je n'ai jamais connu.
je porte des racines
qui en veulent à mes ailes
de vouloir ce qu'elles veulent.
tu m'as dit hier
entendre craquer tes os
sous les pages
et les pages
d'une histoire que tu n'as pas écrite
et je te
comprends
tellement.
mon ventre porte une guerre
et je vous promets
de ne plus jamais sortir les armes.
quel genre de poème
te donnerait le goût
d’apprendre ma langue ?
quels mots
doucement chantés
te donneraient envie
de danser
avec moi
sur la table
de ta cuisine ?
j’attends le temps
où tes cheveux
viendront me retrouver
chez moi
par delà les distanciations
de leur longueur d’isolement
t’as une araignée
sur la joue
elle te pose
les bonnes questions
elle te fait des toiles
de laine
elle te fait un chapeau
t’en fais pas
ton araignée
te tiendra
au chaud
j'aimerais tellement
voir tes sorts
comme des paroles
de paix
j'aimerais
m'imaginer
un jour danser
avec toi
comme des spirales de fumée
au milieu de nos décombres
je sais qu'on trouvera
voilà
il neige
mes doigts
ne sont pas bleus pour ça
et enfin
on mange.
napomo 2019 (Mois national de la poésie)
Écrire un poème par jour pendant le mois d'avril
1.
j’ai slidé sur la découpe
des deux bords du monde
du mien, sûrement
j’me suis sentie
comme on respire
jusqu’à la cime
jusqu’au creux
juste ici j’me serais plantée
t’sais ces moments-là
où le futur s’étale sur une cuisine
pis sur des fenêtres qui donnent sur la neige
t’sais quand tu t’installerais dans une pensée
tu t’y fonderais une famille
t’y achèterais peut-être un chien
ça slidait bien...
2.
j’arrive au bout des jours mesurés
la poussière de sherbrooke sent le printemps
tantôt
j’ai pissé dans la rivière
et j’ai souri au soleil
mon sac à dos plein de bouffe d’épicerie
pas d’porte-feuille
c’était un bon moment
le long d’la galt est
le genou gauche qui commence à chauffer
le col roulé déroulé
masque à gaz improvisé
j’me souviens pu à quoi j’pensais
à regarder les chars
me splasher de flaques brunes
j’pense que j’me suis demandé comment j’fais
pour être heureuse de même
3.
ma princesse préférée
portait un sac au lieu d’une robe
son prince l’ayant vue ainsi vêtue
s’en était allé en courant
et elle
elle s’en est allée dans la direction opposée
les bras dans les airs
sous un coucher de soleil
quand j’étais petite
j’avais des robes et des couronnes
et j’idéalisais les sans-abris
4.
ma chambre est propre
j’ai pu d’amis
je suis aux anges
non ç’pas vrai
voyons donc
ta best c’t’une plante
t’es chill
t’es aux anges
t’as raison
j’t’aux anges
j’ai bu un smoothie
c’tait un smoothie vert
yo
un smoothie vert
j’t’aux anges
j’ai trié ma poussière
pis j’ai mis les choses qui se ressemblent ensemble
la poubelle est pleine
pis j’ai pu d’amis
y a du jazz pis y a björk
ben y a ma succulente aussi
j’t’aux anges
5.
j’avais même déchiré mon rideau pour m’en faire une jupe
j’avais pris des fleurs séchées
pour rassurer ma coiffure de pu habituée
les bottes fières
l’idée enrubannée
m’en va cruiser
la fin d’une solitude
les deux mains su’l micro
le cœur déployé
m’en viens t’bricoler ça
c’te matériel à imaginaire-là
ça arrive
pour siffler faut savoir vomir (c’tu ça, la phrase?)
j’m’étais mise belle pour les fantômes
j’ai crié
comme pour séduire
la fin du monde
ça a fait écho
dans mes craques
ça arrive
7.
ils auraient l’odeur d’un lac et du bord d’un feu
avec une touche de l’effort parfumé d’un bûcheron
ils seraient faits à base de berceuses et d’oreillers
voiliers téméraires
ils goûteraient le sapin
et écriraient des poèmes sur mon dos
des poèmes sans rimes
compteraient le nombre de mes vertèbres comme pour s’en souvenir
et prendraient ma nuque comme on prend la mer
8.
ça c’est moi
tu me demandes
« why do you want to isolate yourself? »
y a un volcan pis des éclaboussures
tu les entends pas
tu es empathique pour ce qui s'entend
c’est pas de ta faute
pis ça c’est toi
« we’re social animals, you know »
la femme sublime sur le grand écran
qui se cache le visage d’une main
pour qu’on ne la reconnaisse pas dans la salle de cinéma
tu as marché jusqu’ici pour du thé
et tu parles toutes les langues sans me comprendre
tu joues au piano avec des écouteurs
« music is a way
music is always a way
to understand »
Ma belle inconditionnée.
9.
donc on va
jouer à boire toutes les boissons chaudes
qu’on connaît
et pas besoin de savoir leurs noms
je vais plier des étoiles
créer un ciel d’origami
sur ton plafond
et toi tu me parleras de tes inquiétudes
ce sera simple
j’ai un futon dans mon salon
une armoire à épices dans ma cuisine
et assez d’albums
pour remplir tous nos silences
tu viens?
10.
t’es
un mouvement dans l’appétit
une vague que les post-modernes
n’attendaient plus
je t’ai trouvé belle
et tu mangeais la bouche ouverte
des objets inusités
tu marches en œuvre d’art contemporain
dans un défilé de machineries
t’es comme une critique
qui brûle les pages
de la revue esse
t’es
un fucking chef-d’œuvre
12
j’ai le goût de pleurer en voyant les fruiteries
on pleure pas dans les fruits
on y rit on y baise
mais on n’y pleure pas
c’est bien connu
mais de fruiteries qui donnent sur la rue
de galeries de fruits rangés par couleur
comme en europe ou dans le sud
y a pas ça à sherbrooke
oui bon
ça faisait longtemps que j’avais pas été à montréal.
16.
i may be sick
cause i wrote too much poetry
tried so hard to open the valves
that my nose took on the job
i may have a cold
cause montreal smelled so much like memories
that my nose needed a break
peut-être est-ce
l’hémorragie d’un cataclysme minuscule
qui, né dans un renflement entre deux côtes,
s’est répandu jusqu’à mes sinus
et dans mes poumons
some have dreams
i have a cold
am i sick
cause sleep is better for me
than existential crises
i watch Varda movies and eat soup
i guess
my body needed
to be unhealthy in some way
tout est une question d’équilibre, qu’i disent
well then
here’s my napomo for today
well then
monapo, guide mes pas
17.
dans le stationnement derrière mon bloc
un enfant en habit de neige
imite le croassement du corbeau
debout dans une flaque d’eau brune
18.
oui maman
je sais maman
je m’excuse
j’ai cette colère maman
tu vois
je sais pas quand elle commence
et je sais pas la faire finir
mais
je veux la vivre maman
je veux la faire exister
quelque part au monde
je veux la voir éclater
c’est pas de ta faute maman
et tu sais que ça vient
et que ça part
tu le sais, ça, en?
tu le sais comme moi
et on cherche quoi dire
et il y a rien à dire
tu fais déjà tellement assez
je peux pas sourire
et je veux pas
tu vois
je veux pas.
19.
ta face aussi
à toi
a l’air douce
comme celle des enfants
qui vieillissent trop vite
21.
ma tête de tentacules emmêlées
de neurones qui s’enfargent
je pourrais être celle
qui chill dans un terrain de balle-molle vide
à apprendre la guitare
sous les spots à mouches
en frustrée idéale
en équilibre entre la passion
et la désertion
je pourrais juste chiller
je pourrais m’en faire
pour ce qui me touche déjà
continuer
de vivre dans des
mélodies de sinéad
et m’allonger en attendant
que l’été passe
22.
an idea-
being bored
a feeling
moving my fingers
on the waves
of the sheets
center of a room
filled with paper and knives
and thread and fabric tissues
a secret house for sleepy moments
and oh so short songs
wool blankets
merge into the curtains
they blend into each other
i must be a memory
the idea of a spoon
the silence between
the covers
i’m on top of the blankets
but i won’t be seen
i expect to be forgotten
while i examine a pillow
and all its subtleties
a fold a shadow a creek
and you’re no where to be remembered
an idea-
being bored
with you
24.
pourquoi?
https://pascaleoui.bandcamp.com/track/pourquoi
à cause des poèmes
à cause des frissons dans la nuque
à cause de mon corps
à cause des miroirs
à cause des dessins
à cause des likes
à cause de josé yvon et de denis vanier
à cause du thé de bacon et des fugues de corbeil
à cause des journées de matinées
à cause des baklawas
à cause de mon désir inassumé et insatiable de reconnaissance
à cause de ma peur de la mort
à cause de la belle au bois dormant qui avait tellement des beaux cheveux parce qu’elle ne faisait rien d’autre que dormir en attendant que sa vie commence dans les bras d’un homme qui ne comblerait jamais ses besoins de respect et de sensualité platonique
à cause du déni
à cause de ma haine
à cause de la haine de mon père
à cause des becs dans le cou pas bienvenus
à cause des chasses aux trésor
des investissements à la bourse
des cours d’histoire au secondaire
à cause de ma première belle-mère
à cause de ma deuxième belle-mère
à cause de mes ami.e.s qui s’aimaient pas entre eux
à cause de mes ami.e.s qui s’aimaient pas eux-mêmes
à cause de mes fugues
à cause de mes cauchemars
à cause de tout ce que j’ai ressenti en perdant mon nom
à cause des montagnes
des rues
des cennes
de mon ukulele qui fittait dans l’décor
à cause de ces jupes qui me faisaient me sentir sensuelle
à cause de leurs épaisseurs pas possible et des danses spontanées sur le bord de l’autoroute en écoutant la musique de hair dans les hauts-parleurs de la westfalia
à cause du hash
à cause des autres langues
à cause de la mer
à cause des jams
à cause des gars qui me disent que je chante bien sans utiliser de mots
à cause du high volontaire
à cause du high épeurant
à cause des labyrinthes
à cause des conseils
à cause des pipes
à cause des sécheresses
des inondations
des tremblements de terre
de la fin du monde
à cause de ma prof de catéchèse qui parlait de mon futur
à cause du défi têtes rasées
à cause des revues cool
à cause de la pornographie dans la chambre de nathan à 12 ans
à cause des journées couleur
parce que ça fait du bien
parce que j’y pense pas
parce que mes parents m’ont dit de faire c’que j’veux
pis que j’pense que c’est ça que j’veux
parce que ma rétine est plus sensible aux nuances des couleurs que celle des gars
surtout celle de mon frère
parce que j’avais des bonnes notes au secondaire
parce que je suis un bébé qui aimerait ne jamais toucher à un rapport d’impôts
parce que j’aimerais rester pour toujours dans les bras d’une maman
même une maman qui me graffigne
surtout une maman qui me graffigne
parce que j’aimerais déménager dans une grotte
parce que j’ai trop peur de sortir de la ville et de me rendre compte que dans le fond la ville n’est pas la source de tous mes problèmes
parce que je suis invincible
parce que je ne sais pas perdre
parce que je ne prends pas tout en considération
parce que ça me fait me sentir invincible
parce que je suis anarchiste, je crois
parce que j’ai dû fermer un recueil de textes d’étudiants finissants en philo à l’uqam parce que je mouillais trop
parce que je jouis en lisant des textes de bleuets et de pêches
parce que j’aimerais parfois être inuite
et qu’à d’autres moments, je me trouve parfaitement stupide et privilégiée de pouvoir même y songer
parce que je crois en la réincarnation
parce que je savais conjuguer le verbe coudre à 7 ans
parce que j’ai dit « c’est bien »
parce que j’ai éclaté en larmes quelques secondes après
et que j’ai réalisé que je devais devenir clown boulangère quelques secondes après
parce que j’ai toughé deux ans
parce que j’ai toughé deux ans et huit mois
parce que j’ai toughé trois ans et six mois
parce que j’ai toughé cinq ans et quatre mois
parce que j’ai toughé sept ans
parce que j’ai toughé quinze ans et demi
parce que j’ai toughé dix-huit ans et cinq mois
parce que j’ai toughé vingt-et-un ans et 10 mois
et que je tiens encore assis
parce que je viens de naître
parce que j’ai eu l’impression que j’allais mourir
parce que julia pleurait quand elle pensait à ça
parce que ses mains tremblaient
parce que je peux respirer dans un micro
parce que le sens perd du poids quand on n’y pense pas
parce que je me sens mieux quand je pense pas
parce que nue, je suis suffisante
parce que nue, j’ai disparu
parce que mes draps sont tachés
parce que philippe aimait pas mes chansons de réveil-matin
parce que zik-mou me limitait à cuilliériste et que j’aurais préféré être chanteuse avec taquino
parce que deux accords, c’est déjà beaucoup
parce que je fais des boites pour déménager dedans
parce que le bruit des billes m’inspire des symphonies
parce qu’il y a des théâtres de marionnettes dans ma tête
parce que j’aime pas le goût de la vodka
parce que je sais pas nager
parce que sinon j’aurais mangé trop de fromage et de viandes froides
parce que je rêvais de ruelles
parce que c’est ridicule et que ça sert à rien
parce godspeed me fait mouiller
parce que j’ai l’goût d’niaiser
parce que les sourcils sont une passion
parce que parce que parce que
et puis grâce
à flanagan
27.
ouais
j’le sens pas
mais c’est là
c’est maintenant
à date
j’suis juste assise aux toilettes
du locker
mais quand je vais me lever
essuyer mes mains
prendre le volant
derrière moi
toutes les boîtes
bourrées de mes choses
laissées comme mortes
ce sera là
vraiment là
j’aurai rien d’autre en tête
juste ça
ça se chuchotera même
dans les craques des nuages
dans les plis de la route
faudra encore que je trouve
à qui offrir mes plantes
et que je passe
le balai dans l’ancien appart
mais
j’en suis là
je le sens pas encore
mais sous mes pieds
y a que mes bottes
sous mes pieds
y a que mes bottes
28.
j’aimerais adresser ce texte
au deuil d’une ambiance
du temps que j’ai pris
à prendre mon souffle / plus que
mon souffle
mon vent
ma bourrasque
que
semble-t-il
j’avais un peu perdue
quelque part dans une trappe d’aération
vieillissante
comme l’arbre immense qui remplissait la cour
et qu’on menaçait de couper
je dois prêter hommage
au casque d’écoute
et à cucina povera
aux crayons
et à martine
à l’eau
et à marie
marie, ma succulente marie
je dois couvrir d’éloges
la tasse de thé
à l’élégante forme arrondie
qui
servie les soirs de février ou d’avril
fut idéale pour aérer
son contenu
et éviter
la brûlure
de la camomille séchée
c’est ce que je préfère
Hiver 2019
stop talking about your parents
and just breathe the air
i can also breathe
walk on your path
like everybody else
forget that unusual
friend you made
you're filled with good reasons
to be wrong
and to hurt me to death
you know
you'll get away with it
anyway
you don't deserve
to be a resting body
but so don't
all the others
in your yoga class
and they live their best lives
and there's nothing more to say
///
tell me what really stayed
of the prints i have made
on your heads and your calves
tell me when you washed them off
and at what point you forgot them
we're all gonna die
we're all gonna die
we're all gonna die
we're all gonna die
tell me why your room was filled
with futile objects and colors
i noticed you forgot to open the curtains
when i left
did you forget the morning, too?
you wrote poetry
you let yourself believe you knew me
holding me so tight
your breath was a bit short
why was it so short?
you didn't get published
i did
you wanted to collaborate
in our sleep
///
i walked in the raining snow
and i thought of your cold eye
staring at winter
what are we even doing here
i walked with the girl
that built you a garden
you didn't like
we talked about flowers
there was snow in my boot
you chose drawing
over your phone
i watched a Ted talk on
introverted people
///
i posted a suggestive poem
on my Instagram
because i felt the need to do so
hoping you wouldn't mind
you are still drawing
i am still writing
while you do self-portraits
with your own blood
i write about you
and i wish you didn't know